C’est Marseille, Bébé !

Le bisou à Mamie

Je suis rentrée à Marseille en 2014 après 22 ans de vie parisienne dont j’avais fini par faire le tour, bien calée au fin fond de ma banlieue boiscolombienne (92).

Je suis rentrée à Marseille et j’avais oublié son fonctionnement, ou plutôt, son dysfonctionnement, sans compter qu’en 22 ans, les quartiers, les habitudes et les contextes avaient changé : pendant 20 ans, je n’y suis venue que deux fois par an pour y voir ma famille et vue l’ambiance, c’était bien suffisant.

Je suis rentrée à Marseille et contrairement à d’habitude je n’étais donc ni en villégiature ni en week-end mais j’y habitais. Et comme disait un ami à moi : il y a une sacrée différence entre le tourisme et l’émigration. Parlez-en aux parisiens, justement.

Un de ces premiers mois de mon exode, mon amie Aurélia me rend visite, comme souvent au début de mon émigration : les parisiens étaient nombreux à se précipiter dans un Ouigo pour se retrouver au soleil avec moi quelque trois heures plus tard.

Nous voilà donc toutes les deux à l’assaut de Marseille et l’expression n’est pas exagérée : Marseille est la deuxième ville la plus encombrée d’Europe. La faute à un réseau de transports erratique où la deuxième ligne de tram suit exactement le tracé du métro. A des rues généralement en travaux pendant des mois. A des trous qui relèvent davantage du nid d‘autruche que du nid de poule. A un manque de parking certain qui oblige le conducteur marseillais à créer une place plus qu’à la trouver (merci Haroun).  A la flemme ambiante qui érige le stationnement en double voire triple file au rang de sport national.

Nous voilà donc parties avec Aurelia pour acheter des navettes, cette spécialité locale à base de fleur d’oranger qui requiert une bonne entente avec son dentiste, sous peine de perdre la moitié de son ratelier à chaque coup de croc. Cette spécialité qu’il faut mieux éviter lorsqu’on a la gorge sèche au risque de se voir fabriquer du torchis pour les murs en une seule bouchée. Cette spécialité qui divise puisqu’il y a la team Saint Victor, la mienne, et la team Acoules, les autres. Cette spécialité que je mangerais sur la tête d’un pouilleux (ça et le houmous).

Je sors donc du boulevard de la Corderie (ou de la Corse, je ne sais jamais où commence l’un et où s’arrête l’autre), et m’engage dans une de ces petites rues transversales qui mènent à mon Saint-Graal : le Four des Navettes de Saint-Victor (donc). Ladite rue est aussi étroite que le conduit d’aération de John MacLaine dans Die Hard : à droite on s’y gare vaguement, mais clairement pas en Hummer. Oui, je sais, le Hummer en 2021, c’est encore plus has-been qu’avant, sans compter qu’aucun des deux ou trois marseillais qui aurait eu les moyens de s’en acheter un n’aurait jamais eu l’idée de venir le balader dans le coin. A gauche, un trottoir où les poussettes n’ont pas leur mot à dire. Sans même parler des PMR.

Et dans cette rue toute petite donc, nous faisons face à l’improbable partout sauf ici : un véhicule arrêté sur la chaussée. Porte ouverte. Moteur qui tourne. Attends, frérot : moteur qui tourne ? A Marseille ? En voilà un type bien confiant, dis-donc… Même si sa voiture, dont je ne détermine plus la couleur, a dû connaître au moins 14 contrôles techniques. Ou plutôt, aurait dû connaitre 14 contrôles techniques : je ne suis pas persuadée qu’aucun type de Bureau Veritas ait jamais enregistré sa plaque.

Je regarde mon copilote qui, comme moi, émet l’idée qu’un type qui laisse le moteur tourner n’est pas fait pour s’éterniser ailleurs. Inutile donc de sauter sur mon klaxon comme j’ai tendance à le faire.

Au bout d’une minute, toujours pas d’apparition de celui qui vient de gagner la médaille d’or aux championnats du monde de stationnement artistique.

Une autre minute s’écoule et je salue ma patience en rongeant mon frein. Enfin pas trop non plus : c’est que la rue est en pente.

La troisième minute est celle de trop : je commence à klaxonner, étant entendu que c’est l’un des deux moyens de communication efficaces localement. Le klaxon et « Oh ». Ou plutôt « Owe ». Comme rien ne se passe, je remets un deuxième coup de cornet, histoire de faire comprendre à l’automobiliste irrespectueux et un tantinet traînard que sa carriole polluante est en train de nous barrer le passage et nous gonfler les alibofis (que nous n’avons donc pas).

Finit par descendre un type tout maigrichon trop vieux pour être indolent, pas assez pour être englué dans les habitudes locales, mais bien tout énervé et qui me sort :

  • «Eh alors, on peut plus monter faire un bisou à Mamie, Owe ? »

Et de remonter dans sa R5.

Je crois que sidérée n’est même pas le mot. Ca m’a laissé sans voix. Des années de travail de répartie balayés en une seule phrase. J’ai regardé mon acolyte : ses yeux ronds auraient inspiré les meilleurs dessinateurs chez Lonely Tunes.

Au final, j’étais assez contente d’avoir vécu ça accompagnée, tant on me dit que j’exagère sur ce qui se passe ici : j’en ai entendu, des excuses, mais alors celle-là, elle mérite de remettre pastis au Bar de la Marine.

Pour reprendre une expression chère à ma mère : qui se gêne devient bossu.

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