Le jour où je suis devenue écolo
Au chapitre de toutes les raisons qui m’ont fait « redescendre » à Marseille (ma ville natale, donc), figure la création d’une société dédiée au développement durable – desfois qu’avec l’autre et quelques activités associatives, je m’ennuie un peu. Et moi qui roulais au diesel depuis bientôt 10 ans, comment dire que le chemin s’annonçait long, même en BMW.
Je suis donc descendue pour monter (!) une société dédiée au Développement durable. Mais me décider à changer mes quelques habitudes pas bénéfiques du tout pour la planète ne s’est pas fait tout de suite. Sur une échelle de 1 à 10 où 1, c’est la construction d’un hôpital en Chine et 10, le temps d’attente pour porter plainte à Noailles, disons que j’étais à 8. Niveau presque expert : le temps aux employés municipaux de nettoyer un trottoir.
Mais je m’y suis mise. J’ai donc commencé à trier mes déchets. D’aucuns diraient que c’est quand même la base mais c’est sans compter sur l’idée qu’ici, tout est fait pour vous en décourager. D’abord parce qu’à une époque, quelle que soit la couleur de la poubelle, tout partait au même endroit. Ensuite, parce que même depuis la mise en place d’une politique de recyclage digne de ce nom (si tant qu’envoyer des conteneurs de Candia vides en Malaysie puisse relever d’une politique de recyclage digne de ce nom), rien n’est fait pour vous faciliter la vie : les conteneurs de tri sont éparpillés dans la ville mais certainement pas dans chaque immeuble comme dans toute ville civilisée. S’agirait de pas trop fatiguer les éboueurs de la Métropole non plus : après ils peuvent plus coller les affiches pour les élections.
Puis je me suis jointe à une projet écolo, Planète Biodiv, qu’il a fallu que j’abandonne, faute de moyens pour bosser bénévolement 3 jours par semaine. Ensuite j’ai commencé à éviter d’acheter quoi que ce soit de neuf (savon et PQ excepté, mes amis m’en remercient). Je suis même passée aux cosmétiques solides ou faits maison ainsi qu’aux produits ménagers éponymes. J’ai troqué mon X1 diesel contre une Série 2 hybride sans même me fâcher avec mes voisins pour l’installation de la prise dans le parking et j’ai même fait du mécénat de compétences en Equateur pour planter du cacao et jouer de la machette façon Lara Croft, sans les nichons. Vinted, Emmaüs et les magasins de fripes sont devenus mes nouveaux terrains de jeu – trouver un truc mettable – et j’en ai profité pour faire du tri chez moi et en virer tout ce qui ne servait à rien, depuis l’étagère Ikea donnée parmi mon ami Nico 15 ans plus tôt, aux fringues trop passées de date pour s’afficher Vintage.
J’ai fait réviser la machine à coudre de Mamie que j’avais tant utilisée à une époque à Paname pour faire 3000 mètres de rideaux, au grand dam de mes voisins du dessous. Et je me suis lancée dans la récup et confection de sacs à vrac, mouchoirs en tissu et autres joyeusetés, que j’ai offerts à Noel. Vous auriez dû voir la tête de mes parents, ça valait son pesant de baies de gogi.
J’ai définitivement clôturé mon compte Amazon et autres sites chinois qui règlent à coups de 90 centimes des problèmes techniques ou vestimentaires que vous n’avez jamais eus.
Bon.
Dans cette phase de Thunbergisation intense de mes habitudes, j’ai eu l’idée ultime pour limiter mes déjections : le meilleur déchet étant celui qu’on ne fabrique pas, j’ai donc acheté un lombricomposteur à mettre sur ma terrasse, histoire de recycler mes peaux de bananes. J’ai même essayé de convaincre mon père dont le jardin aurait pourtant fort bien accueilli tel projet : je pense que s’il avait pu me faire un gros doigt d’honneur il se serait pas gêné.
Alors, oui, j’en ai entendu un hurler au fond d’une conversation messenger (véridique) : « T’as acheté un lombricomposteur ? Tu pouvais pas le construire toi-même ? ». How dare you ? Bah, oui, je pouvais le construire moi-même avec des palettes récupérées sur n’importe quel trottoir : entre deux matelas, une banquette de voiture, un chiotte défoncé et une paire de ski, on a le choix. Mais c’était mal imaginer COMMENT tu ramènes la palette chez toi. Dans ma Série 2 avec ses petits coussins rouges Air France à l’arrière ? Même pas en rêve. Et comme je ne me voyais pas scier une palette en pleine rue pour la faire entrer dans mon coffre – encore que ce n’est certainement pas l’activité la plus dingue qui puisse se faire dans les rues ici – oui, j’ai acheté un lombricomposteur. Neuf.
Le lombricomposteur monté, il lui fallait maintenant contenir un des éléments essentiels à son bon fonctionnement : les vers. Renseignements pris, j’ai d’abord laissé un message sur un site dédié, en l’occurrence plus2vers.fr : chou blanc. Car oui, il existe un site pour échanger des vers. J’ai ensuite lancé un appel sur Facebook, cet outil formidable qui trouve tout ceux dont vous n’avez pas besoin et jamais ce qui peut vous aider.
Mauvaise langue que j’étais, mon amie Anne m’a gentiment proposé de m’en donner. Me voilà donc partie un dimanche récupérer mes futurs amis et boire un café au Vallon des Auffes, quand, arrivée sous le tunnel de la Joliette, j’ai regardé mon téléphone pour y lire le SMS d’Anne… et me faire photographier par le radar. Amis non marseillais, veuillez noter la subtilité : je n’ai pas écrit UN radar, mais LE radar. Celui que tout le monde connaît. Celui devant lequel tous les moniteurs d’autoécole vous apprennent à piler. Celui que même à 5g en revenant du Palais de la Major, personne n’oublie, réflexe oblige. La hchouma sur moi, je me suis fait flasher dans le tunnel de la Joliette. Comme une vulgaire touriste. Comme un mangeur de « bouillabaisse » à 30 €. Pire : comme un parisien.
Tout ça pour éviter de commander sur Amazon ou faire venir des vers par la poste de Daoued avec un bilan carbone beaucoup plus élevé que ma recharge d’hybride. Sans parler des quelques euros que j’évitais de dépenser. Comme dirait Guillermo Guiz sur Inter tous les midis : ça m’donne envie d’crever dans une usine de Lubrisol.
Quinze jours plus tard, j’ai donc reçu le compte dans ma boite aux lettres : j’ai perdu un point sur mon permis pour 7km de trop. Mais j’ai surtout eu la surprise de voir que les PV pour dépassement de vitesse étaient passés de 45 à 90 euros. Inutile de vous dire que je m’en vais les chouchouter comme il se doit, mes nouveaux amis : à 5 euros la bestiole, elles ont intérêt à bien digérer tout ce que je leur donne, et surtout le papier du PV.
Au risque de me reprendre un proverbe que j’avais utilisé dans mon premier opus pour un jour de soldes à Paris :
Rien ne perd, rien ne se crée. Tout se transforme. (Lavoisier)
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